lunes, 6 de mayo de 2024

ROGER CAILLOIS ET LES PIERRES

 


AUYANTEPUI


ROGER CAILLOIS: À la recherche de l'homme des molécules aux astres

 


« Et pourtant, nous savons tous que toute pensée profonde reste en partie secrète, faute de mots pour l’exprimer, et que toute chose nous demeure en partie cachée »

                                                                        Marguerite Yourcenar

 

Dans l’incontournable biographie de Roger Caillois (Reims, 1913-Paris 1978) intitulé « L’homme qui aimait les pierres » que Marguerite Yourcenar dit elle-même esquisser, nous parcourons, fascinés, la recherche que Caillois fait avec un esprit autant inlassable comme sure de soi, de l’essence humaine, en la découvrant dans les pierres.

Tout a long de sa vie, depuis sa rencontre avec Robert Deumal et le petit groupe qui s’organise comme une espèce de société secrète de connaissance dans le lycée de Reims et sa première approche aux livres qui traceront la route qu’il suivra plus tard, il maintient la « rigueur de sa pensé », il examina, rejette, élimine ce que n’est pas vrai a ses sentiments, son intuition ou sa raison. Il se rapproche au surréalisme, à Georges Bataille particulièrement, pour un court période de temps. La poésie surréaliste l’attire mais tôt « son obstiné rigueur » le fait sentir « la différence entre le fantastique d’ordre littéraire, toujours si proche du factice et du fabriqué, et l’étrange ou l’inexpliqué véritables ».

Plus tard, cette même rigueur qui l’ai fait distinguer entre la sincérité et la vérité, le fait refuser ce qu’on pourrait appeler « les sciences dogmatiques », pour paradoxal que tel appellation pourrait sembler, mais que sert à définir toute science « passant de la recherche désintéresse du vrai a l’obtuse assertion d’un dogme ». C’est ce qui lui arrive par rapport au freudisme et au marxisme. Dans le première cas ses critiques, même sévères, sont loin d’être une condamnation totale. Après avoir exprimé son opposition à l’utilisation des mythes pour certain « freudisme intégral », il considère néanmoins, que c’est la psychanalyse « la seule théorie qu’a jeté les bases d’une politique valable de l’imagination affective, et qu’il reste surtout pour las notions de complexe et pour avoir mis sur pied une réalité psychologique profonde, que dans le cas spécial des Mythes, pourrait avoir à jouer un rôle fondamental ».

Concernant le marxisme ses objections sont dues « moins à une doctrine que s’est inévitablement située à un moment de la sociologie et de l’histoire et dont les résultats sont incommensurables, mais a sa position présente de dogme monolithique ». Et ici Caillois affirme avec lucidité : « Chaque système est vrai pour ce qu’il propose et faux pour ce qu’il exclut »

A chaque halte dans son parcours Caillois s’approche au centre même d’une révélation où il trouvera la synthèse de tout ce qu’il a cherché depuis le début : la vérité cachée dans les pierres.

Le pas suivant est la production d’un chef d’œuvre : Les Jeux et les Hommes.  Sans s’arrêter pour analyser le magnifique bâtiment du jeu qu’il construit, « comme un temple a quatre colonnades » et qu’il nos présente sous ses quatre faces, auxquelles il donne les noms de L’Agon, L’Alea, La Mimicry et L’Illinx, lisons les réflexions de Yourcenar par rapport à chacune de ces « colonnades » : « L’homme qui écrira Bellone ou la pente de la guerre sait combien le jeu se confond avec le combat ; l’auteur de Méduse et Cie sait que le gout de l’ivresse ou celui du déguisement nous est commun avec d’autres espèces animales. Le sociologue qu’écrivait L’Homme et le Sacré, n’ignore pas que tout jeu comporte un rite. La différence entre le jeu et les activités utiles de l’existence, si importante au départ, semble parfois tomber d’elle-même. Dans Cases d’un échiquier, « le jeu d’échecs et l’humble jeu de l’oie deviennent le symbole d’on ne se quoi qu’englobe et dépasse toute vie » (…) le jouer « ébloui ou illuminé,  essaie d’entendre, parfois d’étendre les règles d’un jeu ou il n’a pas demandé de prendre part et qu’il ne lui est pas permis d’abandonner » Et finalement dit Yourcenar : « Si Caillois n’était pas en garde contre toute métaphysique, on trouverait dans ce passage (..) « une image de la vie telle que l’ont vue certains philosophes hindous, comme un jeu qui nos manipule pour des raisons et à des fins inconnues, ou plutôt sans raisons et sans but, une lila divine »

Arrivant à cette étape, rappelons-nous que Caillois a longtemps considéré la logique comme l’arme absolue de la raison humaine. Dans L’incertitude qui vient des rêves, Caillois se sert de l’onirique pour reposer l’éternelle question : Comment distinguons-nous entre la vie diurne, supposé réelle, et la inane vie nocturne des songes ? Cette question est pour Caillois intimement liée à la raison, parce que, au dépit de ce que nous tendons à croire, c’est-à-dire, que la vie diurne a une logique de causes et d’effets que le rêve n’a pas, cette certitude nous rassure contre l’angoisse de songer que la vie que nous tenons pour réelle pourrait aussi ne s’agir que d’un songe. C’est donc dans cette frontière diffuse qui se mélangent la raison et l’absurdité associées à la réalité ou au rêve. N’oublions pas qu’a un certain moment de sa carrière, Caillois a pris pour lui la légende que Goya a placée sous l’un de ses dessins : « Le sommeil de la raison produit des monstres ».

II PARTE CAILLOIS

 

Caillois concède qu’en un sens le rêve est plus réel que la vie, en tant que « foyer de forces cachées » (...) Du même que Cases d’un échiquier semble parfois postuler que nous sommes « joués », L’incertitude qui vient des rêves semble ça et là mener à l’hypothèse d’on ne sait quoi d’immense par quoi nous sommes « rêves "

Pour Caillois la conception traditionnelle de l’humaniste c’est-à-dire, de l’homme comment propriétaire privilégié de la raison et la logique, sera peu à peu amplifiée pour une position que Yourcenar essaie de définir comme « l’humanisme que passe par l’abime » Déjà Caillois avait fait sienne cette phrase de Rimbaud : « Je fixais des délires » en notant : « c’est fixer qui définit la tâche du poète » Caillois restera fidèle à cette formule, « et cela d’autant plus que les objets que fixeront (…) ses suprêmes méditations, seront les plus concrètes, les plus denses, les plus immobiles que nous offre le paysage terrestre, sur lesquels il concentrera sa vision comme de plus banals voyants sur une boule de cristal : les pierres »

Yourcenar fait allusion a son court chef d’ouvre Patagonie comme « le passage de l’eau » En effet, le rencontre du territoire de Patagonia l’a inspiré cette ouvre écrit durant son exil avant-guerre quand, in face à la présence de forces du mal, certains esprits parmi lesquels celui de Caillois, avaient pris parti en faveur de la raison et de la rigueur. Patagonie représente certainement, comme il l’a dit lui-même « une fêlure que s’était faite et secrètement agrandie » en lui. Cette rencontre d’un lieu nette, pure, qui ne doit rien encore à l’effort de l’homme, ce paysage fossile, réserve anachronique d’espaces grandes ouverts, le réaffirme sa confiance en le valoir humaine ou au moins « l’espoir que l’homme saura mettre bon ordre au moment voulu au désarroi qu’il a lui-même crée »

C’est à ce moment d’incontestable évolution de sa recherche, quand le flot cosmique « a tout roule, ou plutôt tout soulevé : Il le dit lui-même : « J’ai peu à peu cesse de considérer l’homme comme extérieur a la nature et comme sa finalité »

Et c’est grâce au développement de cette considération que Caillois arrive au summum de sa pense, qui n’est rien d’autre que la découverte de la mystique de la matière, expression que condense ses plus lointains ouvres, autant ses premières comment ses dernières livres, et a lequel il arrive une fois avoir « retrouve l’humain le long d’une échelle qui va des molécules aux astres » Et c’est parce qu’il a déjà « constaté dans tout l’univers la présence d’une sensibilité et d’une quasi-conscience analogues aux nôtres, q’on a parlé d’anthropomorphisme »  Mais au-delà de ça, Caillois a exalté au contraire, un anthropomorphisme à rebours dans lequel l’homme, loin de prêter, parfois avec condescendance, ses propres émotions au reste des êtres vivants, participe avec humilité, peut être aussi avec orgueil, a tout ce qui est inclus ou infus dans les trois règnes » La constatation de ce fait, passe pour l’étude des diagonales qui relient entre eux les espèces, des récurrences qui servent pour ainsi dire de matrices aux formes. Dans Méduses et Cie il avait déjà « médité sous les transformations des insectes, devenaient somptuaires ou terrifiants, masques de parade ou de combat, ornements nuptiaux ou panoplie d’hypnose », que témoigneraient un besoin quasi conscient de changement d’élaboration. Pour Caillois, tout confirmait la liaison de l’homme avec l’univers en tant qu’être qui appartient à ce « tout ». Même dans la nature, « l’asymétrie et la symétrie déterminent à elles deux non seulement toutes les formes façonnées par l’homme, mais aussi la torsion des troncs d’arbres et les striures des pierres » A ce sujet, Caillois déclare : « Je sais comme tout le monde, l’abime qui sépare la matière inerte et la matière vivante, mais j’imagine aussi que l’une et l’autre pourraient présenter des propriétés communes. Je n’ignore pas non plus qu’une nébuleuse qui comprends des millions de mondes et la coquille secrétée par quelque mollusque marin défient la moindre tentative de comparaison. Pourtant, je les vois toutes deux soumises à la même loi du développement spiral qui préside à la torsion des colonnettes byzantines et aux spirales de bronze baroques du baldaquin de Saint-Pierre » Et à propos de ça, Yourcenar ajoute avec totale justesse : ‘L’aventure esthétique de l’homme, vue de telles perspectives, apparait non diminuée, mais sacralisée »

L’expression « mystique de la matière » en tant qu’établisse la liaison qui l’on tient à évader, ou plutôt à séparer, entre le « rationnel » et « l’irrationnel » est prise pour Yourcenar pour nous rappeler que cette liaison est aussi ancienne comme venant des présocratiques, même  de Platon et Aristo, et , le plus intéressant, a manière d’exemple : que David de Dinant « brûlé aux Halles au XII siècle est loué par Giordano Bruno, autre brûlé, d’avoir élevé la matière a la dignité d’une chose divine » Et plus encore, que « Le Corpus Hermeticum conseille d’entendre « la grand voix des choses »

C’est en nous rapprochant au suprême objet d’amour et d’études de Caillois, les pierres, que « de lointains harmoniques » nous résonnent : « le symbolisme alchimique a, chose curieuse, comparé la pierre au corps humaine qui, si instable qu’il soit (…) constitue néanmoins « un fixe » compare aux éléments physiques plus fluides et plus instables encore. 

III PARTE ROGER CAILLOIS

Il n'est donc pas étonnant que l’alchimiste ait choisi de préférence l’or, qui n’est que matière transmuée, la Pierre Philosophale pour symbole même de la transmutation.

En passant pour les paroles de Jésus Christ dans les Évangiles Apocryphes : « Romps le bois, et je suis dans l’aubier, soulève la pierre, et je suis là » ; Maitre Eckhart, dans le Moyen Age : « La pierre est Dieu, mais elle ne sait pas qu’elle l’est, et c’est le fait de ne pas le savoir qui la détermine en tant que pierre ». Piranèse, qui semble parfois (…) « chérir le bloque original lui-même, la pierre délitée par le temps, dévorée par la végétation, ignorant a jamais des grands petits évènements humains que l’ont marquée ou se sont succédée autour d’elle ». Goethe, si appliqué à l’étude des pierres qu’une variété des gemmes porte son nom, et arrivons-nous a Dag Hammarskjöld, cet homme d’Etat, admirateur de St. John Perse, poète également cher à Caillois, et aussi l’un des plus poignants mystiques de notre temps, qui aurait fait établi dans le bâtiment new-yorkais des Nations-Unies, un oratoire ne contenant qu’une puissante masse de minerai de fer, le fer encore dans son état géologique, gisement et veine au sein de la roche originelle.  « Dag Hammarskjöld cet homme harcelé par les conflits éphémères et récurrents, factices et mortels, de l’ère de l’acier et de l’arme atomique, venait recomposer en soi un peu de silence et de sérénité devant le bloc immémorial, plus ancien que les usages qu’on a faits de lui, et encore innocent »

Le lecteur de Pierres réfléchies, de Récurrences dérobées et surtout de Fleuve Alphée ne peut douter aujourd’hui que Roger Caillois, comme tant d’entre nous, n’ait ressenti une immense lassitude en présence de l’agitation humaine à notre époque et des bouleversements quasi planétaires qu’elle a provoqués. « Le cas de l’homme est anormal » donc précaire. L’avenir est sombre. « Les voies de la Chance et la Nécessité ont présidé à son prodigieux destin ; elles indiquent également que le miracle peut avoir lieu tout aussi bien en sens contraire, et restituera la vie à l’inertie impassible, immortelle, d’où un bonheur statistique la fit surgir »

« En présence de cette humanité sentie plus que jamais comme précaire, en présence même de ce monde animal et végétal dont nous accéléreront la perte, il semble que l’émotion et la dévotion de Caillois se refusent ; il cherche une substance plus durable, un objet plus pur. Il le trouve dans le peuple des pierres (…) L’obsidienne, le diamant, le mercure, le cristal, les épines de fer, les mousses de chlorite, les cheveux de rutile ; Caillois nous rappelle d’une forme admirable pas plus que les âmes « ne projettent des ombres »

Non seulement l’étonnant diversité de leurs formes l’a persuadé que l’invention humaine ne fait que prolonger des donnes inhérentes aux choses, mais encore, par-delà de l’esthétique, il retrouve en elles l’histoire. Ces fussions, ces pressions, ces ruptures, ces empreintes de la matière ont laissé au-dedans et a l’extérieur des traces qui parfois ressemblent (…) a une écriture que, en effet transcrive des événements des millions des années antérieures aux nôtres.

Caillois nous dit lui-même qu’il a fini pour passer des concepts a l’objet. A force « d’attention soutenue, presque lassante », l’observateur remonte pensivement de l’objet dur, arrêté, ayant acquis a jamais son poids et sa densité propres, vers un univers ou la pierre qu’il soupèse a été boue, sédiment ou lave. Dans son seul récit romanesque Ponce Pilate, Caillois, en nous montrant deux mille ans de notre histoire rêves durant l’espace d’un seul soir, a senti que « l’obscure histoire de la planète consistait en changements violents ou lents, en récurrences, en métamorphoses, en coups de force, en occasions manquées ou en réussites également inexplicables.  « Les pierres comme nous, sont situées à l’entrecroisement d’innombrables transversales se recoupant les unes les autres et fuyant à l’infini, d’un nœud de forces trop imprévisibles pour être mesurables, et que nous désignons gauchement du nom de chance, de hasard ou de fatalité »

Le premier effet de telle constatation est l’humilité, et dans cet état, quand l’homme s’interroge sur les vertus qu’il a fait siennes, comme pour Caillois son « obstine rigueur » et ce même homme s’applique à examiner son utilité, il arrivera à une espèce de vertige (Yourcenar déclare que certains d’entre nous l’appelleraient « l’extase »), et Caillois le classifiera comme l’une des formes de jeu et un besoin fondamental de l’être.

« Il manque quelque chose –nous dit Caillois- a l’homme qui ne s’est jamais senti éperdu »

Mais se sentir éperdu c’est sortir en partie de ce qu’on est ou de ce que les autres croient que nous sommes. Peu à peu, il s’aperçoit que, comme la mythologie fleuve Alphée venu d’Olympie et coulant sous la mer pour émerger à Syracuse, quelque chose d’inexplicable existe en nous au départ et se retrouve à la fin, après une longue éclipse, en dépit de circonstances extérieures qui nous ont enrichis, mais aussi adultérées »


martes, 23 de abril de 2024

ASESINATOS, S.L

Paul Klee. Magia de los peces


ASESINATOS, S.L 

                                                                                                                Maria E. Sánchez 
                                                                 Limoges, febrero 11, 2024


 “Lo que hay de terrible en la muerte, no es el número, sino la calidad de sus víctimas. La muerte de un Sócrates es un crimen infinitamente más grande contra la Humanidad, que las masacres que cometieron las innumerables y salvajes hordas de Gengis Khan que se desencadenaron en Asia”  
                                                                         Ivan Dragomiloff


 ¿Puede un hombre considerarse inocente de haber cometido no uno, sino múltiples asesinatos, debido a que éstos se ajustan a Principios Morales que él mismo se ha dado? ¿Y si este hombre ha examinado el precepto “No matarás” sobre bases filosóficas más rigurosas que las de la religión, las creencias y los ideales teológicos, y se ha otorgado a sí mismo el papel de Salvador, para liberar a la sociedad de seres considerados, de acuerdo a tales bases, ¿“indeseables”? 

¿Y si, como resultado de esa reflexión, resultara que “filosóficamente” quedáramos exentos del cumplimiento de ese precepto, y, por lo tanto, el asesinato dejara de ser condenable, más bien por el contrario, se justificara sobre las bases de una moral personal que pretende el bien común? ¿Una moralidad que permitiera enjuiciar y perpetrar a la vez? 

He ahí el núcleo sobre el cual se desarrolla la impecable novela “The Assassination Bureau, Ltd” (Jack London, primera edición 1963)

Nada más ni nada menos que una mirada, por añadidura revestida de un fino sentido del humor, a los límites entre lo legal y lo ilegal, entre el “orden social” y la anarquía, entre el libre arbitrio y el pragmatismo social, entre otros. Una empresa cuyo objetivo es asesinar, concebida y dirigida por un filósofo anarquista ruso residente en New York, Serge Constantine, (Ivan Dragomiloff, para efectos criminales y encarnación en una cierta medida, del pensamiento de London, por otra parte) bajo una rígida ética “personal” y un código deontológico que le faculta, entre otras cosas, a “asesinar solo cuando el asesinato esta moralmente justificado para la sociedad” 

Una empresa que despliega sus actividades en la más absoluta ilegalidad pero fundamentada en el honor, y en principios respetados en primer lugar por el propio Dragomiloff, pero también por cada uno de los miembros “reclutados” como asesinos, en razón de cualidades personales previamente definidas y establecidas entre todos. Una “empresa” capitalista, de la cual al comienzo tendemos a comprender, aunque no justifiquemos, sus fines, si nos basamos en sus repercusiones. Se supone que ellos ejecutan una suerte de “profilaxis” social. En palabras de Dragomiloff, se trataría de eliminar (siempre bajo contrato previo del cliente) “un capitán de barco brutal, un usurero, un político corrupto” (lista que Dragominoff utiliza para ejemplificar el tipo de personajes a eliminar como parte de las pruebas “iniciáticas” que deben superar sus miembros para ser contratados). 

El golpe a la conciencia que significa enterarnos de que tal cosa pueda existir, que alguien se haya dado a si mismo los argumentos “morales” para atribuirse el papel de desembarazar a la sociedad, mediante el asesinato, de aquellos que ya han sido enjuiciados y condenados por él, nos sacude y nos deja estupefactos. Aunque todos tendamos, abierta o secretamente, a aprobar acciones punitivas dirigidas a hacer más viable la convivencia social, justificamos las cárceles, y el castigo siempre que se apliquen por los medios legales establecidos. El dilema entre la moral aristotélica y la razón Kantiana se nos abre de forma acuciante, intensificada por la acción  magníficamente tensada por London. 

Pero en el fondo, tal profilaxis no es realmente la que orienta las acciones de Asesinatos, S.L. Es simplemente el interés económico puro y duro, ya que entre sus víctimas hay tanto “culpables” como “inocentes”. La cuestión aquí es otra. Es el debate de los “Principios” de la Oficina de Asesinatos, al que se entregan ardorosamente sus miembros, cada vez más obsesionados por el cumplimiento de sus estrictas normas, en todo momento y bajo cualquier circunstancia, y siempre a la búsqueda de justificaciones filosóficas para sus actos.

En la novela de London, el hecho de que alguien pueda concebir una empresa cuyo objetivo es asesinar, y que encima, lo haga de manera económicamente exitosa, tiene una deriva inesperada donde se entrelazan la intriga, el suspenso y los eruditos debates filosóficos, políticos y sociológicos que surgen entre sus miembros, como si practicaran un continuo examen deontológico de su organización, bajo un delirante fanatismo moral, sin renunciar por ello a sus objetivos pragmáticos. 

Asesinatos, S.L ha reclutado científicos, investigadores, helenistas, hebraístas, ex catedráticos de eminentes universidades, expertos artesanos. Todos poseen un meritorio currículum que han abandonado para entregarse por entero a la organización, pero no solo eso, también son ejemplares padres de familia y miembros de su comunidad. El conflicto entre el cumplimiento de la que sería la última misión de la organización –eliminar a su creador, bajo sus propias ordenes y por encargo de un cliente que, en cierto modo, es la encarnación de los ideales socialistas del propio London- sin destruir por ello a la empresa, queda resuelto por determinación del propio Dragomiloff, al desaparecer él mismo, habiendo eliminado previamente a los demás miembros de la organización encargados de asesinarlo, asegurando con ello la vigencia de su pensamiento y los Principios morales que sirvieron de fundamento a la empresa.

En esta novela que dejó inconclusa, y fue terminada en 1963 por Robert L. Fish, siguiendo las anotaciones dejadas por London, éste logra, con una brillantez regocijante, poner de manifiesto esta contradicción, permitiendo el afloramiento del absurdo, en ocasiones, pero también por momentos, dejándonos asomar a la “nobleza” de los móviles y a la “integridad” personal de los asesinos. Como en un juego de espejos, todo tiene varias caras, y son estas múltiples facetas de lo que consideramos valores eternos o principios irreductibles, lo que London cuestiona sutilmente y nos deja entrever aunque no lo advirtamos, por el ritmo de suspenso e intriga que mantiene la historia a lo largo de todo su desarrollo. Intuimos, sin embargo, la presencia de una especie de materia inefable que permea las fronteras entre lo que concebimos como permitido y como prohibido socialmente, que se desliza entre los cánones que las sociedades se han dado a sí mismas para posibilitar una mínima convivencia entre  “lobos domesticados”, (que es en última instancia, lo que somos) y la imposibilidad aparente de constreñir el sinsentido, la sinrazón de la existencia, bajo la rigidez de unas normas que siempre terminarán por ser arbitrarias e injustas, vengan de donde vengan. Y todo ello hasta el punto de no saber si algo dentro de nosotros nos inclina a rechazar el “fanatismo moral” de Asesinatos, S.L y sus ejecutorias, a considerarlo verdaderamente “una locura” como se refiere a ella el joven Winter Hall, o a experimentar finalmente cierta empatía con su creador, Dragomiloff, el héroe por así decirlo, de la historia, sus ideas y hasta en cierto sentido, los nobles motivos que lo impulsan.

 Una magnfica obra de este autor prematuramente desaparecido, que ha dado origen a múltiples ensayos, estudios y debates filosóficos desde su aparición 

domingo, 7 de abril de 2024

EL PELIGRO DE JUGAR CON LOS CISNES


Dorothea Tanning. Flor


EL PELIGRO DE JUGAR CON LOS CISNES

                                                                   Maria Eugenia Sánchez

                                                                                          Abril 2024

 

Cada quien libra a diario, consciente o inconscientemente, durante el transcurso de toda su vida, una batalla cuyo único fin es ser aceptado en el mundo y amado por los demás. Aunque parezcan muchas y diferentes, en el fondo todas se reducen a esa única y personal batalla, siempre insatisfecha, que libramos cada día bajo otros ropajes y con las armas que tengamos a nuestro alcance. Es que, sin ser amados o aceptados, no podríamos concebir la vida.   

Las armas que utilizó Truman Capote fueron su genio, su prodigiosa memoria y su talento histriónico para ser “adoptado” por la entonces llamada Café Society, símbolo de status, garantía de pertenencia a un Paraíso mundano y deslumbrante al que muy pocos accedían, cercano y esquivo a la vez. Para él significaba no solo reproducir la misma aspiración de su madre, sino reestablecer, al menos ilusoriamente, el único vínculo que la unía a ella.

Las mujeres pertenecientes a esa élite, encarnaban el epítome del refinamiento y el lujo, todo aquello que no podía comprarse, todo lo que estaba más allá del dinero. El las adoraba, las sorprendía con su agudeza y su inteligencia, las encantaba por su conversación, hasta lograr al cabo de un tiempo, transformarse en su leal amigo y confidente.

“delgadas, bellas, elegantes, meticulosas. Tanto en su atuendo de ciudad como en el campestre, conservan el exquisito encanto del espíritu”

¿Mujeres amadas? Para Balzac eran lirios. Para Capote eran cisnes:

“Puede ser que el cisne se deslice sobre las aguas de una liquidez lucrativa, pero eso no explica a la criatura en sí misma. Su talento –como todo talento- se compone de sustancias que no pueden comprarse. Porque un cisne es invariablemente el producto de la adhesión a un sistema de pensamiento estético, un código transpuesto a un autorretrato. Lo que vemos es el retrato imaginario, proyectado con exactitud.  Es la razón por la cual ciertas mujeres, que sin ser verdaderamente bellas han triunfado sin embargo sobre su físico ingrato, han podido ocasionalmente parecer un cisne. Ellas tienen de sí mismas una visión tan segura, decorada tan hábilmente de artificios exteriores, que cedemos a sus exigencias, e incluso quedamos convencidos de su (pretendida) autenticidad, que al cabo deviene verdaderamente auténtica”

Magnificas criaturas a las que, sin embargo, Capote traiciona. Después de la publicación de su libro ‘Plegarias atendidas” obedeciendo a la desdichada idea de divertir a sus lectores a costa de hacer públicas las confidencias íntimas que sus “cisnes” le han revelado en ocasiones al filo de suntuosas cenas, Capote lo pierde todo de un golpe. Al menos todo lo que había formado una parte de su empeño vital, de su necesidad existencial. Había vivido durante tanto tiempo en la atmósfera de esas charlas privadas y levantado con tanta paciencia el edificio de su prestigio, que no había calculado el riesgo y sin darse cuenta, vanamente impulsado por la necesidad de repetir el suceso de “A Sangre fría” y sorprender nuevamente al mundo, esta vez con una obra de estilo “proustiano”, había caído en su propia trampa y lanzado a la plaza pública lo que le había sido confiado bajo el sello de una amistad íntima.

La reacción a “Plegarias atendidas” había sido inmediata: sus fieles estaban consternados, los ricos, enojados por su audacia y su indelicadeza, se sentían traicionados. Algunos habían hablado de auto-destrucción. De nada había servido el baile en blanco y negro que celebrara en el año 1966 como demostración frente al gran mundo, de su notoriedad internacional. Para él, “Plegarias Atendidas’ fue la experiencia inédita del asombro y al mismo tiempo, el comienzo del descenso a los infiernos. Comienza a experimentar a partir de entonces, el paulatino abandono de la mayoría de sus amigos, abandono que no cesará de producirse hasta el final.

Hasta el mismo Norman Mailer, quien siempre lo consideró un escritor extraordinario, se vio obligado a decir:

“Jamás hubiera pensado que se mostraría tan imprudente. Y no se trata de audacia. Se trata de inconsciencia. Ya lo había visto mostrarse audaz –lo había sido toda su vida- pero no arrogante. Finalmente, ¿a quién le interesa ese género de cosas? La historia no tiene interés si uno no sabe de quién se trata”

Capote había elegido el título de su novela de la frase de Teresa de Ávila:

“Más lagrimas se derraman por las plegarias atendidas, que por aquellas que no lo son”

Y efectivamente, aunque no se expresara en lagrimas, el efecto que el rechazo mundano tuvo sobre el resto de su vida, fue definitivo. A partir de “Plegarias atendidas” comenzó a nadar contra la corriente. Al final de su carrera, exhausto y enfermo, cercado por la depresión y las ideas de suicidio, se interroga sobre las causas que lo llevaron hasta allí.  

Y, sin embargo, sus “dobles” (Joel, P.B.Jones, Holly Golightly) ya habían conquistado la inmortalidad. Desde “Otras voces, otros ámbitos” a “Una infancia radiante” sus personajes han permanecido atados a sus paraísos perdidos, revivido terrores pasados, la angustia del abandono, la imposible realización edípica. Con solo leer “Mojave”, “Miriam”, “Música para camaleones” o “Un verano indio”, comprendemos que Capote poseyó la fuerza de evidenciar, de convencer, tallada en su permanente obsesión por encontrar la forma más natural de contar una historia, de hacer que una vez leída, fuésemos incapaces de imaginarla de otra forma.  Es gracias a esa depuración, que hoy es considerado el mejor estilista de su generación, un soñador realizado, donde la escritura obedece a leyes de perspectiva, de luces y sombras, como la pintura y la música.

Desde su muerte, en agosto de 1984, la figura del extraordinario escritor que fue Capote, no ha dejado de crecer en Estados Unidos y en Europa. Artículos de prensa y revistas, reedición de sus novelas, reportajes y entrevistas, el cine, con los films “Escandalosamente celebre” de Douglas Mc. Grath, y ‘Truman Capote” de Bennet Miller, donde Phillip Seymor Hoffman obtiene el Oscar al mejor actor masculino por su magnífica interpretación de Capote, dan cuenta de su nivel icónico (por sus escritos desfilan cincuenta años de la sociedad de su tiempo) y de su inmenso prestigio literario, reconocido y ensalzado por los mejores escritores de su época.

Los círculos intelectuales y universitarios americanos, (Stanford, Iowa, Carolina del Norte, Cornell) lo celebran por su parte, a través de premios, como “Truman Capote Fellowship”, entre otros premios y reconocimientos.

Capote alcanzo la Gloria real, después de jugar peligrosamente con sus cisnes imaginarios.


miércoles, 3 de abril de 2024

 

Mario Abreu. Toro constelado


minimos de abril


En la inmensa pradera tibetana, la manada de bisontes dibuja una linea sinuosa, como siguiendo la huella imaginaria del desplazamiento de una serpiente gigantesca. Bisontes solitarios, salidos de los matorrales se unen en orden a la tropa, ensanchan y bifurcan el trazado, que desde las alturas recuerda una coreografia de la naturaleza salvaje, fundida en una sola masa con la tierra, el aire y el cielo. Una hiena, agazapada entre la maleza, espera. Desde las alturas observamos la aparición de un nudo que altera momentáneamente la perfeccion del dibujo. Un miembro de la tribu es atacado, sus compañeros intentan reatraparlo, pero fracasan. La hiena triunfa y se aleja con su presa. La manada continua su marcha implacable. 

(escena de la película "La panthere des neiges")


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Nada podemos hacer ante un gesto que nos desnuda


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Sólo el gesto tiene el poder de condensar siglos de historia en un instante


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Un gesto puede representar una herencia


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Tu familia te explica


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Ver el azul del cielo venezolano en una foto, es una experiencia fisico-química

 

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Hay que cabalgar sobre las palabras y domarlas como a potros salvajes

 

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miércoles, 27 de marzo de 2024

LOS OJOS DE ALEJANDRO


Dorothea Tanning "Cauchemar"


LOS OJOS DE ALEJANDRO


Los ojos de Alejandro

El Magno

se entrecerraron ante el fulgor

del oro, la plata y 

el alabastro

Intentaron en vano descrifrar el decorado

de las alfombras

Nombrar aromas vírgenes 

Preferir un adorno, o un mueble

El olor fragante de la mirra

inflamó su pecho

                                     ..................


Era la corte del vencido

Rey Darío de Persia

Era el Salón de sus tesoros

Conquistado

Sus pies se hallaban sobre tierra

y polvo de dos siglos.

                                       ..................


Desde los aquemenides, la Historia

no habia cesado de aposentarse

sobre rios de nácar 

plumas de aves

innombradas

dátiles ambarinos

palmeras y 

arenas sutiles como

vapores incandescentes

Tambien sobre sangre y sufrimiento


                                      ..................


Aullidos de dolor

de la torturada Gaza

se escucharon bajo su 

Dominio

Un canto desgarrado se

alzaba bajo su planta

invencible

El eco de ese coro resuena

Todavía 

                                         ................


Alejandro

El Magno

vivía en vida su propia

Leyenda, como

Aquiles

Y podía ser épico, cruel o

Magnánimo 

como el Héroe 

que, habiendo ganado

el Ganges, respiraba aún entre

las paginas de su infancia

esperando ser atesoradas

en el cofre de Darío 

                                         ...................


Alejandro

El Magno

con sus ojos de fuego

se miraba a si mismo y sabía.

Sabía que sus pies, alados

como los de Aquiles

no se habian detenido al

final del camino

Que la planicie del mundo

No terminaba allí

donde ahora miraban

sus ojos 

Que habia otros confines

Que era preciso llegar hasta

Hindu Kush

la montaña donde Aristoteles

su Maestro

le habia asegurado que se encontraba el borde

del Mundo

Alli sus ojos

verían al fin derramarse

la cascada del inmenso océano 

hacia el abismo infinito

Hacia la Nada aristotélica 

(o tal vez sartriana)

                                              .................. 

                                      

La ambición alejandrina

no conocía límites 

Su alma

Poseida por Pothos 

deseaba alcanzar lo ausente

Era preciso

comprobar que

el mundo estaba a su altura

Que era tan magno

como él 

                                           ..................


Los ojos de Alejandro nunca

contemplaron el borde

del mundo. Tampoco

llegó a saber que fue nombrado

El Maldito

por los seguidores de Zoroastro

La maldición fue pronunciada sobre

las brasas de la Biblioteca

incendiada bajo su orden 

En la memoria de aquel fuego

yace para la eternidad el 

Avesta  Sagrado


Alma claroscura

Leyenda

Ficción 

Historia

Presencia

Olvido

Los ojos de Alejandro

El Magno

guardan el secreto